L'esthétique des systèmes

Depuis la naissance du projet La machine paysage [1], je m'interroge sur la réalisation d'installations composées de plusieurs systèmes modulaires. Ce processus de création prend du temps, et ce temps nécessaire n’est souvent pas en phase avec le rythme du monde, celui imposé par la société technocratique de la productivité.

Tests de dispositifs.

Tests de dispositifs.

Il faut dire que depuis quelques années, je m’étais consacrée à la réalisation d’installations modulaires composées de systèmes homogènes. Il y avait un système à comprendre afin d’obtenir plusieurs variations potentielles, mais limitées, à l’intérieur d’un modèle formel. Ce nouveau processus demande de comprendre le fonctionnement de plusieurs systèmes, puis leur mise en relation dans l’espace. Je ne peux donc pas fonctionner à partir « d’idées » ou de « concepts » préétablis car l’œuvre doit émerger de ce processus de mise en relation d’éléments sinon elle devient caduque. 

Tests de dispositifs.

Tests de dispositifs.

Son existence repose également sur la relation du sujet (artiste, spectateur ou activateur) dans l’environnement de l’installation.

« Le terme environnement évoque le dynamisme et la complexité des cycles vitaux. Mais, plus profondément, il indique le changement de nature de l'oeuvre d'art, qui se joue à partir de l'élargissement de la focale au-delà de l'objet et du texte. En effet, alors que toutes les formes de textualité, même étendue (de l'intertextualité à l'hypertextualité) restent liée au modèle théorique traditionnel de la relation sujet/objet, où l'objet se positionne face à un sujet, avec l'environnement, la perspective change : le sujet est dans l'environnement. Dans ce sens, l'environnement n'est pas simplement l'espace qui entoure le sujet, mais l'ensemble des conditions physiques et relationnelles dans lesquelles le sujet se trouve, agit, se définit. La caractéristique d'un art environnemental est donc la dimension inclusive. À l'intérieur de l'espace inclusif de l'installation, la présence du sujet est située, elle correspond à une position spécifique à partir de laquelle il perçoit et agit, et autour de laquelle s'étend le cercle (en même temps physique et symbolique) de l'œuvre. » ([2], p.38 )
Systèmes en production.

Systèmes en production.

Outre la matérialité des éléments des différents systèmes, c’est du dispositif qu’émerge l’œuvre.

Le dispositif constitue un ensemble de parts organisées entre elles, de façon à pouvoir exercer une influence sur un champ d’action. Si le principe de l’organisation du système est basé sur le modèle d’une suite de comportements dont le but est l’échange et la communication interne au système, le dispositif oriente l’agencement en fonction d’un résultat, d’un effet, qui va affecter au contraire l’environnement externe (…) Si la notion de système tend à souligner l’organisation et l’interaction entre les éléments dans un ensemble, celle du dispositif insiste sur l’orientation de cet ensemble, sur son objectif, c’est-à-dire sur son effet. ([2]p.39)
Systèmes en production.

Systèmes en production.

Le fonctionnement de l’œuvre repose donc sur une suite de relations éphémères où le « lâcher-prise » est nécessaire tout comme l’acceptation de l’échec potentiel du système.

Tests de dispositifs.

Tests de dispositifs.

L’atelier s’est donc transformé en laboratoire de formes, de textures, de couleurs, de tests de dispositifs, etc. Certaines journées sont très angoissantes car il n’y a pas d’œuvre, pas d’objet fini. Rien qui me conforte, qui me fait dire « j’ai fait ça aujourd’hui! ».  Il faut accepter les gestes qui doutent.

[1] A, Cauquelin, 2015. Les machines dans la tête. PUF

[2] J, Burnham. H. Haacke. 2015. Esthétique des systèmes. Les presses du réel.

Étude de matérialité.

Étude de matérialité.

Étude de matérialité.

Étude de matérialité.